BIOGRAPHY

 Il s'appelait Francis Lai.
Que ce soit à propos de l’homme ou de sa  musique, les mêmes mots revenaient sans cesse dans la bouche de ses amis  et collaborateurs : simplicité, discrétion, chaleur. 

Son impressionnant  palmarès donne à réfléchir sur la trajectoire d’un mélodiste à  l’instinct exceptionnel, dont le talent s’est imposé mondialement, des  collines de Nice à celles d’Hollywood. Fils d’horticulteurs d’origine  italienne, Lai naît dans l’arrière-pays niçois en 1932. Initié à  l’accordéon par son cousin, il débute professionnellement à seize ans  dans les bals populaires. Attiré par le jazz, il se familiarise avec  l’improvisation, qui l’amène à l’écriture. Tout va ensuite s’accélérer :  le jeune Lai monte à Paris, écrit des chansons avec Bernard Dimey,  devient l'accordéoniste de Piaf… En 1965, par l’intermédiaire de Pierre  Barouh, il croise un jeune cinéaste, Claude Lelouch, qui lui propose de  mettre en musique un projet de film intitulé Un homme et une femme.  Avant même le tournage, Lai propose à Lelouch une dizaine de mélodies  différentes, dont le fameux le Dabadabada. « Toute la musique a été  enregistrée avant même le premier tour de manivelle, se souvenait le  compositeur. Et sur le tournage, Claude s’en servait pour diriger les  comédiens, pour rythmer sa mise en scène. Elle prenait la place de  certains dialogues, elle révélait les personnages, elle faisait parler  leurs sentiments. » Aidé par Ivan Jullien pour l’orchestration, Francis  Lai traite les différentes chansons du film avec un extrême  dépouillement : une voix féminine (Nicole Croisille), une voix masculine  (Pierre Barouh) et le compositeur lui-même à l’accordéon électronique,  instrument au timbre alors inédit au cinéma.
La suite appartient à  l’histoire : Palme d’Or, succès mondial, avalanche de reprises, d’Ella  Fitzgerald à Tom Jones. En un film, la musique de Lai devient  indissociable du cinéma sentimental selon Lelouch. Sur leur second opus,  Vivre pour vivre, Francis étrenne une complicité au long-cours avec un  jeune musicien marseillais, Christian Gaubert, qui deviendra son  arrangeur d’élection. A chaque nouveau projet, le binôme Lai-Lelouch  reconduira la méthode de son expérience fondatrice : mettre en boîte la  partition en amont du tournage, afin que Lelouch puisse s’en servir sur  le plateau. « La musique de Francis a toujours été mon meilleur  directeur d’acteurs » résume avec émotion le cinéaste, trente-cinq films  plus tard, dont une bonne poignée de classiques (La Bonne année,  L’Aventure, c’est l’aventure, Les Uns et les autres, Itinéraire d’un  enfant gâté, Un plus une). Les 15 et 16 octobre derniers, Francis Lai  prenait part avec Calogero aux ultimes séances des Plus belles années,  troisième volet d’Un homme et une femme, tourné par Lelouch à la fin de  l’été. Premier long-métrage avec Un homme et une femme en 1966, dernier  long-métrage avec son épilogue, en 2018 : comme une troublante façon de  boucler la boucle. Il en reste une collaboration metteur en  scène-compositeur unique, la plus durable, fructueuse et intemporelle de  l'histoire du cinéma.
Outre Claude Lelouch, Francis Lai vivra  quelques brillantes aventures partagées avec  Terence Young, René  Clément, Dino Risi, Henri Verneuil, Yves Boisset, Claude Zidi, Nikita  Mikhalkov. La spirale du succès s’intensifie dans les années  soixante-dix avec l'Oscar pour la partition de Love story et les disques  d’or de Bilitis, sans oublier Les Etoiles du cinéma, inoubliable  indicatif de FR3, ou encore La Bicyclette, pierre angulaire du  répertoire d’Yves Montand. La pérennité planétaire de ses mélodies, leur  appropriation par les artistes du nouveau monde n’avaient changé ni son  caractère, ni son inspiration, tournée vers la simplicité des  sentiments, populaire dans l'acception la plus noble de l'adjectif. Pour  avoir connu et fréquenté Francis pendant vingt-cinq ans, je n’oublierai  jamais sa bienveillance, son sourire, sa pudeur, son allergie à la  lumière. En parfait homme de l’ombre, il ne se sentait bien que dans le  confort de son home-studio, face à son clavier-accordéon. L’idée de  monter sur scène, de recevoir un prix, d’avoir à prendre la parole en  public le paralysait d’angoisse. Malgré l’aura internationale de sa  musique, il avait gardé la timidité d’un éternel débutant. Quand, à  chaque nouveau projet, Claude Lelouch venait écouter ses propositions,  il vivait la situation avec le trac d’un étudiant à un examen de fin  d’année. Un dernier souvenir, celui du grand cinéaste italien Dino Risi,  que j’avais interviewé sur sa collaboration avec Francis Lai. Dans un  sourire, il m’avait confessé : « À notre première rencontre, Francis m’a  semblé modeste, un peu amateur, presque dilettante. Et ça me plaisait  beaucoup: les dilettantes comme Francis ont leurs propres idées alors  que les professionnels ont les idées des autres. » En découvrant ce  témoignage, Francis avait éclaté de rire, ravi d’être percé à jour.  

Derrière le compositeur oscarisé, le metteur en scène du Fanfaron avait  su voir le jeune et discret accordéoniste niçois, qui rêvait de jazz et  de chansons, sans savoir qu’il avait rendez-vous avec son destin.

ATTENTION : un autre site web se présentant comme le "site officiel" est en fait l'ancien site du compositeur dont le nom de domaine a été piraté. Il ne faut donc pas faire confiance à ce site ! 

Le fils aîné de Francis Lai, Frédéric Lai, bataille ferme afin de faire fermer le site usurpant l'identité du compositeur.